29 décembre 2017

Ta montagne

Nous quitterons bientôt ton année mon petit Théophile. Mon coeur se serre de réaliser que chaque jour me sépare tellement de toi, et que je n'ai qu'à espérer te revoir dans l'autre monde.
Je vais te dire qu'aujourd'hui je m'en remets à Dieu.
Qui peut nous dire ce que nous réservent les mois prochains. Personne ne le sait.
Mais mon amour est infaillible, et ma foi est sincère.
Cette montagne que je grimpe depuis ta mort, je sais bien qu'elle ne s'en ira jamais.
Je sais bien que mon existence ne reviendra jamais comme avant et que le bonheur ne sera plus jamais le même sans toi. Tu m'as changé d'une telle manière. Je sais que tu fais partie de moi et je te pleurerai jusqu'à ma mort. Personne ne comblera ton absence. Personne ne m'enlèvera la douleur de ta disparition. Cette montagne, ta montagne, ce chemin où mes pieds saignent, je sais que c'est au jour où je te retrouverai que j'en atteindrai le sommet.

24 décembre 2017

Tous

Si je pouvais échanger tous les cadeaux, toutes les lumières
Tous les mets sur la table, toutes les bougies, tous les chants
Toutes les décorations, tous les sapins
Pour retrouver ta petite main et tes yeux brillants
Devant la cheminée
Te couvrir de baisers
T'emmener loin d'ici et te garder tout chaud entre mes bras
Mon coeur est tellement lourd sans toi

 

20 décembre 2017

Te quitter

Une sensation d'étouffement me prend à la gorge. Il fait nuit, la maison, le quartier, toute la ville est endormie. Moi j'ai un poids qui appuie sur ma poitrine et me rappelle douloureusement, combien tu n'es pas là. Elle, elle est là, la petite; elle gigote au dessus de ma douleur immense. Mon dos est bloqué tu vois, et je ne peux pas dormir.C'est la même douleur que les jours précédant ta naissance brutale, c'est une douleur qui me fait peur. Mon corps a l'air de reconnaître que le terme de cette grossesse approche dangereusement les six mois et des poussières. Ton terme Théophile. Je sais que c'est ton terme à toi, le sien, personne ne peut savoir quand il est. Alors j'essaie de faire la part des choses dans le noir, seule avec mes enfants. Tu n'es peut être pas là mais je suis quand même seule, avec elle, et avec toi. Seule avec mon fardeau, seule avec mes épaules qui me font mal. Seule avec l'angoisse qui prend brualement à la gorge. 

Je ne veux pas quitter ton année Théophile. 
Je l'aime cette année 2017, je l'aime énormément, c'est ton année mon petit chat, tu n'es pas un mauvais souvenir que je souhaiterai m'empresser d'effacer. Je ne veux pas qu'on me souhaite le meilleur, le plus beau à venir, je n'ai pas besoin de savoir que l'année prochaine n'est qu'un futur hypothétique où nous serons peut être heureux, peut être vivants, peut être morts. Pour l'instant, chaque jour qui passe m'éloigne de ceux que nous avons passé ensemble, et me réjouir de ta soeur ne m'empêche pas de pleurer cette absence grandissante. Celui qui a dit que le temps guérissait toutes les blessures n'avait pas perdu un enfant. Chaque jour, une forme de douleur presque identique à celle du départ me reprend par vague et m'entraine vers le fond. Ton absence est un océan. Et je plonge encore souvent dedans. 

Je ne veux pas quitter ton année Théophile, cette année que je ne pourrais jamais oublier, elle n'a besoin d'aucun tatouage, d'aucune marque sur mon corps pour me souvenir à quel point une partie de mon coeur s'est désagrégée en te ramenant dans un cerceuil. Ce petit cerceuil blanc. Aucune mère ne devrait se retrouver ce petit cerceuil blanc. Comment peut-on espérer que les fêtes soient cette année ce moment de joies et de retrouvailles? Comment arrive-on encore à espérer que les prochains Noel seront moins difficiles. J'ai monté le sapin, plein d'étoiles, de lumières et de rêves, il n'est que pour toi Théophile. Tu as de beaux cadeaux emballés à son pied, ta soeur aussi, vous êtes les plus gâtés cette année. Tu vois, une mère reste une mère, il n'y a pas de secret. 

Les voeux s'amoncellent, les célébrations se préparent, et je fais ce Noel pour toi. Je m'attable, j'emballe les beaux présents, je compose le menu. Et c'est ton image qui est en moi, que je porte, comme l'étandard de mon courage. Comme un hommage. Je t'aime Théophile, j'espère que tu me vois. J'espère que tu ne sens pas ma peine mais seulement l'immensité de mon amour. Je ne veux pas te quitter encore une fois Théophile, mais il le faudra bien. Chaque jour qui passe m'éloigne de notre premier regard, mais chaque seconde me rapproche de nos retrouvailles. Attends moi de l'autre côté. Et sur Terre, elle aussi, elle m'attends autant que moi, je l'attends. Viendra-elle, dans quel état, et quand. La nuit est longue, la lumière n'est pas encore réapparue. Pour l'instant il 'y a pas eu de printemps, seulement un interminable hiver où le soleil avait l'air d'un intrus. 

Viendra-t-elle. 
Quelle est cette année vers laquelle nous marchons.

8 décembre 2017

Illuminations

Où sont les lumières, celles qui ravissaient mon coeur d'enfant. Les lumières de la ville Lumière, les lumignons aux fenêtres de Lyon. Le huit décembre, c'est la fête de la cité, ce sont les Illuminations. Chaque année je me souviens, nous allumions religieusement des dizaines de bougies que nous mettions à toutes les fenêtres la nuit tombée. La ville est tachetée de petits soleils, elle se pare de magnifiques rayons de couleur sur tous les monuments, les habitants descendent par milliers dans les rues et arpentent en famille ce déluge de lampions. C'est là leur vrai début de l'avent. On mange des pommes rouges caramélisées, de la viande grillée, on boit du vin chaud et épicé, on déambule, on monte à Fourvière allumer un cierge pour ajouter une énième petite âme lumineuse veillant sur la ville. 

Tant de fois j'ai marché dans ces rues. Je peux fermer les yeux et les refaire, trottoir par trottoir, magasin par magasin, de place en place. Arriver place de l'opéra, devant la mairie, prendre à droite dans la rue des Pita, passer devant le café de la Paix et le café Leffe, le bar tabac, la fontaine de la place des Terreaux. La deuxième gauche, rue Edouard Herriot, où j'ai habité quelques temps. Marcher jusqu'au théatre des Jacobins, m'asseoir sur un banc. Je n'ai plus besoin d'y aller, à Lyon, je peux chaque fois me transporter dans ma tête, tellement les souvenirs sont grands. Je me réjouis tellement d'avoir pu t'enmener une seule fois avec moi. C'était un si beau moment mon petit Théophile, nous étions si heureux. Tu gigotais dans mon ventre quand je marchais le coeur léger, je regardais chaque espace de la ville d'un oeil nouveau. Un oeil de maman. Je nous imaginais revenir ensemble, toi dans ton landau, moi si fière de te faire découvrir ma ville natale, ma ville de coeur. C'était une formidable semaine que nous avons passé ensemble, juste avant ton départ pour l'au-delà des anges. 

J'ai beaucoup de peine à m'imaginer revenir ici avec ta soeur. Cette fête des Lumières que j'avais transportée jusqu'à Bruxelles, ces lumignons que je préparais minutieusement sous la pluie belge chaque année, aujourd'hui, je n'ai pas le coeur de les allumer. Je ne peux pas lancer de festivités, ma seule festivité c'est le souvenir de mon fils. Ce soir aucune lumière ne brillera dans ma maison, seulement l'étoile de mon amour pour toi Théophile. Aucune lumière ne viendra nous enchanter, il n'y a que l'obscurité qui nous acceuille ce soir. Et tout comme les lyonnais priaient la Vierge contre la Peste, je vais prier. Je vais prier pour que ton âme soit en paix, car mon coeur de maman s'inquiète de savoir si tu es bien là où tu es. Je vais prier pour être cette fois préservée de cette funeste maladie qui t'a emporté, pour que ta soeur arrive. Peut-être que l'an prochain nous allumerons les bougies sur les rebords de la fenêtre, peut-être. Quand le plus terrible des malheurs vient, à qui s'en remettre ? Je n'ai plus que mes mains pour prier, mes yeux pour pleurer. Dieu que l'humain est vulnérable et faible, et dieu que nous l'oublions vite. 

Ca fait bien longtemps que le mal du pays à disparu. Est-ce parce que je suis de moins en moins française. Est-ce parce qu'une partie de moi n'appartient finalement plus du tout à ce monde. Tu l'as prise avec toi dans ta petite main, cette partie de moi. Tu as ravi une partie de mon âme, aucune mère n'est complète sans ses enfants. Les mères orphelines sont des âmes errantes sur terre, elles attendent, elles espèrent. 



6 décembre 2017

Fardeau

Le fardeau est lourd aujourd'hui. Le ciel est grisâtre comme mon coeur. Je ne sais ni où aller ni où me confier. A qui parler de toi. C'est la Saint Nicolas, ils sont bien occupés. A chérir leurs enfants, à les gâter, à rire à deux, à célébrer, à préparer. J'ai mis le sapin, j'ai accroché les guirlandes et les décorations. Dieu que j'aimerai échanger toutes ces beautées et ces cadeaux contre seulement toi devant la cheminée. A qui en parler désormais le temps deuil est terminé, la date de péremption de mon désespoir est passée. Ils vont oublier que Noel est une fête si difficile de notre coté, ils vont nous inonder de cartes de voeux inutiles qui nous rappellent combien le sourire qui est sur la nôtre appartien au passé. Je vais te dire, cette photo de carte de voeux, elle ne date pas de cette année. Cette année il n'y a aucune photo de moi qui rit, à part celle improbable et mystérieuse du jour où l'on a conçu ta soeur. Les anges étaient certainement là pour nous mettre un peu de bonheur. Notre photo de carte de voeux date d'un mois avant ta conception à toi Théophile. Je la regarde, on était si différents, si vivants, si insouciants. 

Le fardeau est lourd aujourd'hui. Je sens le poids que je dois porter et porterai tout le reste de ma vie. Et il n'y a absolument plus personne pour tendre l'oreille, pour m'aider à soulever cette pierre immense qui broie mes épaules. Le temps n'aide pas, j'ai envie de le crier: le temps n'aide pas ! La douleur est si vive, si tu savais. Les autres ne parleront pas de toi ce Noel, ils vont nous souhaiter bêtement, égoistement, une bonne année. Oh oui, ils nous souhaitent du bonheur, on en parle tellement de ce bonheur qu'on a pas compris qu'accepter notre peine c'est faire un pas vers notre apaisement, parler de notre enfant, c'est nous apporter un sourire. Ce n'est pas nous souhaiter une meilleure année, un nouveau bébé, une autre page qui se tourne. Rappelez-nous notre fils, dites-nous que vous pensez à nous, que vous pensez à lui ce soir là, acceptez qu'on ne saura pas aussi joyeux au repas, qu'on ne viendra peut-être pas. Tant d'éducation qu'on doit faire, on ne m'avait pas prévenue qu'en plus de porter cette incroyable peine, il faudrait en plus apprendre aux autres à compatir à notre douleur. Il faut tout apprendre, et tout leur apprendre. On devrait tous avoir des cours d'empathie à l'école, on devrait arrêter de mettre le deuil de côté. Je n'ai plus personne à qui parler, et je dois encore une fois donner une sorte de fascicule mental sur le comportement adequat à avoir face à des parents endeuillés. Et je suis fatiguée. Le monde me fatigue. Si ma fille n'était pas là nul doute que j'envisagerai sérieusement de m'endormir pour un endroit où il n'y a plus rien à expliquer. 

Le fardeau est lourd aujourd'hui. Ce n'est pas grave. Demain, peut-être, il s'en ira faire un tour. 
Le fardeau est lourd.

30 novembre 2017

Mon hiver


Voilà le premier jour de neige. Les flocons auraient caressé ton petit nez pendant qu'on préparerait ton premier Noel. Par la fenêtre de la grande baie vitrée, je regarde les petits moineaux qui viennent picorer les graines, en espérant peut-être t'apercevoir. Le temps a filé mon petit Théophile, d'un coup l'hiver est arrivé comme une chappe de plomb, le ciel c'est rapproché de l'état de mon coeur, il est devenu gris et noir. La pluie tombe à l'intérieur de moi aussi, sans discontinuer. Les feuilles mortes s'amoncellent dans le jardin, il est loin le temps où je jardinais sans relâche car c'était la seule chose que je savais encore faire. Cultiver cette terre pour oublier mon ventre devenu un trou béant de cimetière. J'en ai planté des rosiers, toutes les plantes portent ton nom et celles d'autres petits enfants partis tellement tôt. Maintenant les fleurs sont tombées, les branches sont grises. Je regarde la nature mourir avec étonnement. Pourquoi n'est-elle pas morte plus tôt, comment c'est possible que le printemps soit arrivé après ta mort. Comment est-ce possible qu'en mars, il va de nouveau revenir. On dirait que l'hiver a débarqué à retardement, qu'il devait venir en février dernier quand tu as fermé tes si beaux yeux. Car mon hiver à moi est arrivé à ce moment où j'ai reposé ton corps dans le berceau et où mes mains se sont vidées en même temps que mon âme, de toute leur substance. Mon hiver à moi est arrivé en février, et je ne suis pas capable de réaliser que quelque chose fleurit de nouveau. Cette petite fille en moi, que ressent-elle? Je n'arrive pas à m'adresser à elle, comme si lui parler la ferait disparaitre aussitôt, comme un petit animal saisi d'effroi. Est-ce qu'elle se sent bien dans sa petite maison. Est-ce que tu as laissé une place toute chaude et agréable. Dis moi que tu lui rends visite pour lui donner l'amour qui s'est tari en moi. Dis moi que tu la serres dans tes bras d'ange, car moi je ne peux pas l'atteindre. 

Mon hiver à moi n'est pas fini, et il a commencé depuis déjà tellement de mois. Tellement de mois sans toi Théophile. Est-ce toi cette petite mésange bleue qui vient dans l'abri sous la neige ? Est-ce toi le rouge-gorge qui regarde à la fenêtre ? Nous te chercherons toute notre vie. C'est la malédiction du parent désenfanté de chercher l'enfant perdu partout. Partout on cherchera. Dans un regard, dans un aimal, dans un nuage. On cherchera des réponses qu'on obtiendra jamais : est-ce que c'était écrit dans les lignes de ma main, est-ce que j'aurais pu changer quelque chose pour te sauver. Est-ce que j'ai vraiment tout fait. 

On ne jouera pas dans la neige, tu ne feras pas de luge. Et ce Noel est bien le plus triste de toute ma vie. Et comme pour le soleil qui brille, je me pose la même question : pourquoi les lumières scintillent, pourquoi les chants sont joyeux, pourquoi les foules se pressent dans les magasins, pourquoi le monde continue-t-il d'être heureux. Pourquoi ne sommes nous que deux sur cette carte de voeux. 

Il y a des douleurs qui ne saignent qu'à l'intérieur. Avec le temps qui passe j'ai fini par mettre un sourire sur ma blessure. Je prépare méticuleusement une petite chambre rose et doré en me demandant toujours dans quelles couleurs tu aurais évolué. Je prépare cette chambre pour conjurer le sort, j'installe tout pour que cette fois le bonheur arrive, pour qu'il soit certain d'être attendu et très bien acceuilli. Pour que ce bonheur ne s'enfuie pas. La table à langer est dans la salle de bain, les lapins en peluche dans leur panier, les petites robes sont dans l'armoire, les carrés de mousseline, les draps, le petit lit blanc. Ne part pas cette fois. Cette fois regarde tout est prêt pour le bonheur. Ne part pas cette fois. Cette fois je ne le supporterai pas. 

Est-ce que tu vois le tapis blanc qu'est devenu le jardin, depuis le ciel ? Est-ce que tu seras là à quand Elle lancera sa première boule de neige ? J'ai choisis son prénom, et toi je sais que tu le connais. Peut-on souffrir et être heureux en même temps pendant longtemps? Je n'ai pas encore appris à vivre avec cette dualité Théophile, je n'apprendrai jamais à vivre sans toi. Je ne ferai pas avec. J'apprendrai à vivre avec toi dans mon coeur, dans ma voix, j'apprendrai à vivre sans cette partie de moi que tu as emmené de l'autre côté avec toi. Je ne sais pas encore ce que c'est la vie sans toi, je la découvre tout juste. Elle est tortueuse, elle est étrange et parfois je n'arrive plus à me souvenir de ce que j'étais auparavant, avant le jour zéro de mon existence. Je n'arrive plus à me souvenir de la manière dont je raisonnais, des préoccupations qui m'animaient. Je ne sais pas encore, je dois apprendre à vivre avec ce deuil qui prend chaque jour une nouvelle forme. Je ne sais pas encore non plus comment vivre avec Elle. J'apprendrai ça aussi. Ce sera surement aussi doux que difficile. Tu vois je ne sais même plus si je suis épuisée ou si j'ai encore plus de force qu'avant. 

Je sais que c'est ce coeur qui bat à l'intérieur de moi qui a remplacé le mien. Mutuellement, chacune, nous nous façonnons, je la crée pendant qu'elle panse chaque petite incision que le destin a creusé. Je l'oxygène, pendant qu'elle caresse chacun de mes petits atomes morts d'asphyxie. Je me demande souvent si elle me fera revivre. Mais au final c'est elle qui fait que chaque jour je respire. Chacun de ses coups me fait sourire comme au premier jour; comme à la première grossesse. Le malheur m'a enlevé toute naiveté, mais personne ne m'enlevera l'émerveillement devant cette nouvelle petite vie. Personne ne m'enlevera le désir de voir jouer des enfants dans mon jardin, l'espoir de serrer les miens dans mes bras, l'envie de me battre pour nous. Regarde moi Théophile. Regarde moi depuis le ciel. Elle ne m'a pas anéantie cette putain de maladie. Personne ne m'enlèvera le bonheur de continuer de vivre et de chérir chaque seconde pour toi.

28 novembre 2017

Et le manque

J'ai été au grenier chercher les affaires, une envie de faire le tri, de faire notre nid, de nous organiser, de trier ma vie. C'est là que je suis tombée sur tes échographies, mon petit chat, mon petit Théophile. Que de larmes je verse, et je ne pense pas que ça s'arrêtera un jour. Mon beau petit garçon. Quel beau petit nez, quelles belles petites mains, quelles belles petites jambes. Quelle terrible injustice. Quel manque. Je ne sais pas si je vais m'en sortir, je ne crois pas qu'on peut se sortir de cette peine là. 

Tu me manques tellement, tellement. Tellement. Aujourd'hui, neuf mois après ta mort, la douleur est presque la même que le jour où j'ai du laisser ton petit landau de verre dans le couloir pour que l'infirmière te conduise à la morgue. Presque la même tu vois. Elle n'a pas beaucoup changé. La douleur a creusé mon visage au fil des semaines, cette nouvelle grossesse a rendu mes joues roses, mais mon coeur est tellement éprouvé. 

Chaque nuit je fais le même rêve d'abandon. Je suis seule, tu n'es plus là, ton papa n'est plus là, ta soeur n'a jamais été là. Chaque nuit je me cogne et me soulève, je crie dans mon sommeil. Certains soirs je ne crie pas, je me réveille juste saisie d'effroi et je serre dans mes bras ce bout de famille qui reste. Elle bouge, mais parfois ça n'apaise pas ma peine. Elle bouge, alors je sais qu'elle est toujours vivante, c'est ça de pris, c'est déjà ça au moins. Je n'aurais pas à accoucher d'urgence cette nuit, je n'aurais pas à pousser un petit corps mort. Elle est vivante. Je peux dormir et retrouver les mauvaises ombres que mon inconscient anime. 

C'est aussi la réalité du deuil périnatal: être hanté par la mort, celle qui vient sans prévenir, celle qui ne soulage pas, celle qui emporte c'est tout. Mon beau petit garçon. Je voudrais te serrer dans mes bras, te murmurer les mêmes mots secrets que je t'ai dit pour la dernière fois. Dieu que la plaie est vive. Tout est si acéré, prêt à saigner à chaque mot. Je voudrais trouver la paix d'autrefois, m'endormir avec ton odeur de menthe douce. Je voudrais retrouver la sérenité d'autrefois. Je ne sais pas si elle reviendra.

24 novembre 2017

Terre/Ciel

Ton absence Théophile se vit différement chaque jour. Chaque matin le deuil prend une nouvelle forme. Aujourd'hui c'est un goût amer et une douleur sourde, hier c'était une forme d'hébétude. Demain qui sait. Bientôt viendra la Saint-Nicolas, cette fête des enfants dont tous les parents parlent en souriant. Les chants, les cadeaux. Les petits chaussons à la cheminée. Nous les avions mis l'an dernier, tes petits chaussons mouton dans lequel tu ne mettras jamais les pieds. Nous les avions rempli de douceurs, le sourire aux lèvres nous aussi. Tu allais bientôt arriver, mai serait bientôt là, nous allions être une famille si comblée. Finalement nous sommes bien une famille, mais décomposée entre terre et ciel, brisée. Tes petits chaussons dans lequel tu ne mettras jamais les pieds sont au grenier. Il en coutera à ton papa de les redescendre et de les remplir à nouveau pour te gâter dans l'au-delà. Et comme ajouter cette nouvelle paire de chausson aux côtés des notres, cette petite paire de ballerines rose surréaliste. Des bonbons pour toi, des bonbons pour elle. Finira-elle par les mettre dedans, ses petits pieds? Auront-ils assez grandi, pourra-t-elle un jour marcher ? 

Ceux qui ne connaissent pas le deuil d'un enfant ne comprendront pas toujours cet aller-retour entre la peine sans fin et l'espoir d'autre chose. Ils penseront qu'envisager le pire c'est regarder en arrière. Ils ne sauront pas qu'avec un enfant mort on ne va plus jamais de l'avant. On met un pied devant l'autre en hésitant et c'est déjà beaucoup. On ne marchera plus jamais comme avant. Mais cet effort là, cette aventure de nouvelle vie où on récupère nos morceaux, elle ne se dira pas. Nous écoutons les récits des Saint Nicolas de tous les petits en se disant que Théophile aurait dû être là entre les chocolats et les speculoos, notre cadeau de vie à nous. Ils ont oublié les autres, ils ont oublié que la vie n'a pas repris, qu'on a pas retrouvé nos morceaux, que ce n'est pas encore fini, que ça ne le sera jamais, que ça ne marche pas comme ça, que c'est bien plus subtil. 

Il n'y a pas de manuel pour les parents des enfants défunts, il n'y a même pas de nom pour nous appeler. On est simplement ceux qui ont perdu un bébé, ils le diront en chuchotant comme si le dire à haute voix aller porter malheur. Ils le diront en frémissant. Ou ils ne le diront plus, pensant que cet épisode de notre vie ne peut pas nous définir. Et pourtant il nous définira.

Il n'y a pas de manuel. Il faut tout leur expliquer. C'est pour ça aussi que j'écris Théophile, j'écris pour que quelque part, quelqu'un puisse savoir. Car plus le temps passe, moins j'ai envie de parler de toi à ceux qui ne comprennent rien. Tu es trop précieux. Les paroles des autres arrivent trop tard, parfois trop tôt, elles ne sont que rarement bien dosées. Puis il y a ceux qui ont trouvé les mots, qui t'ont découvert, qui ont cherché à te connaître, parfois à retardement, comme s'ils prenaient conscience de ta toute petite vie. Ceux qui ont demandé à voir tes photos, ceux qui ont demandé quelle odeur tu avais, ceux qui sont venus voir le champ où tes cendres se sont envolées. Ceux qui t'ont reconnu, qui te rendent hommage en te mentionnant. Et il y a ceux qui disent comme une excuse : mais il n'a pas assez vécu, mais comment parler de lui si je ne l'ai pas connu. Et se sont ceux là qui ne comprennent rien. Ceux là qui donneront des leçons sur la vie d'après, l'enfant d'après, ceux là qui imaginent des traumatismes là où il n'y en a pas. Notre famille est bénie par un ange personnel, notre fille aura son frère au ciel, mais elle aura toujours un frère. Ce n'est pas parce que j'ai perdu mon enfant que je ne suis pas certaine d'être une bonne mère. Au contraire, je le sais. Cette petite fille qui sera dans mes bras, ce ne sera pas la première. Je sais déjà, tellement, tellement, qu'il y a de la place dans mon coeur de maman pour de nombreux enfants. Que cet amour se démultiplie. Que j'étais bien faite pour ça, que je l'ai su à la seconde où je t'ai vu Théophile. Je t'ai aimé tout de suite. Et je l'aimerai aussi.


Mais en attendant, c'est le premier automne sans toi. Et toutes les saisons qui arrivent seront sans toi aussi. Et cette peine là ne partira pas. Les jours sont lourds et silencieux. Je vous parle, à toi, à elle. Parfois elle répond par un coup, parfois c'est toi qui me répond par un signe. 
Je suis entre terre et ciel.


21 novembre 2017

Quelle lumière



Je marche vers je ne sais quelle lumière. 

J'ai vu ta soeur sur cet écran, les examens sont bons, alors j'ai fermé les yeux pour ne plus voir. Ne plus souffrir à chaque image de son petit corps en 2D, ne plus craindre à chaque seconde une terrible nouvelle. Ne plus souffrir. Le temps où nous nous émerveillions devant l'échographie est révolu depuis si longtemps. Le temps de l'allégresse, tant de légèreté. Quand nous sommes rentrés ce soir après l'analyse, nous étions simplement là, hébétés, fatigués. Jusqu'ici tout va bien. C'est une phrase qu'on avait plus vraiment entendu. Jusqu'ici, tout va bien. Ta soeur se développe, et chaque jour je mesure la fragilité de son existence, de la tienne, de la notre à tous. Je m'imagine chaque petit tendon, petit os, chaque petit tissus, chaque petit amas de cellules organisées selon une logique maîtresse qui nous dépasse encore complètement. Ils appellent ça le mystère de la vie. 

Je marche vers je ne sais quelle lumière. Souvent je me demande si le soleil brillera autant qu'auparavant, sans toi. Pour l'instant il s'agit de faire comprendre aux autres que ce n'est pas le cas pour l'instant. Non rien ne brille. Ni le ciel pâle des jours qui passent, ni les villes que nous visitons, ni les fêtes qui approchent. Rien ne brille. Tout est recouvert d'une amertume qui voile n'importe quel rayon. Alors je marche mais je ne sais pas vraiment vers quelle lumière. Est-ce que ce petit être à l'intérieur de moi va me rendre le soleil. Va-t-elle me rendre la vie. Seras-tu une victoire, toi, dont j'ai choisi le prénom. Toi que j'espère, je ne t'attends pas car je ne sais finalement pas si tu seras là. Mais je t'espère. Je n'ai jamais autant voulu vivre et mourir en même temps. Je suis suspendue à chacun de tes battements. S'ils cessent, qu'on ne s'acharne pas. S'ils cessent, qu'on nous laisse ensemble cette fois.

14 novembre 2017

Le soleil se couche et je ne sais pas ce que j'attends.
Est-ce que c'est la nuit, le matin, toutes les heures me rapprochent de toi. Chaque seconde m'en rapproche. On ne sait finalement pas quand, mais ça au moins c'est certain.
Parfois je ne sais plus si je n'attends pas simplement la fin.

13 novembre 2017

Xibalba

Dans notre monde, on ne prie plus les morts. On les appelle pudiquement nos êtres chers, nos disparus. Où sont-ils allés, ces êtres que nous aimons par desssus-tout ? Où es-tu allé Théophile ? Tu n'as pas disparu comme une ombre qui s'éclipse, une étoile qui file, une lumière qui flambe en quelques secondes. Ce n'est pas ça qu'il s'est produit. Ce qu'il s'est produit c'est une incision profonde et chirurgicale dans toute ma matrice, une extraction de tout ton être recroquevillé et hypoxique, une réanimation longue et laborieuse. Une première respiration, faible et inaudible. Une vie de piqures, de toutes petites aiguilles. Une vie de souffrance et d'inconfort, le matelas devait être rêche, l'air devait être sec. Le manque de l'essentiel devait être infini. Ma douleur n'était peut être rien comparé à la tienne. Quand le placenta s'est décollé, qu'as-tu ressenti. Est-ce que c'était long. Est-ce que tu cherchais ton oxygène avec ta bouche, est-ce que tes mains raclaient les bords ? Comment est-ce possible?

Tu n'as pas disparu. Tu ne t'es pas simplement effacé comme on enlève une goutte d'eau, tu es plus que vivant en moi. Tu es plus que palpable. Quand je serre mes genoux l'un contre l'autre, quand je serre mes épaules avec mes mains, c'est toi que je sens. Tu es dans chaque fibre de mon être. Tu n'es pas un être cher, tu étais ce que j'avais de plus cher au monde. Tu étais le plus précieux de tous mes trésors. 

Où se trouve le monde de l'impossible? Celui où je serai avec toi, et où nous serions heureux. Il n'y a pas de disparus, il n'y a que des morts dont on a plus le droit de parler. Que des morts qu'on ne plus évoquer. Il n'y a aucune place pour toi dans le monde des vivants. Maintenant je comprends qu'il n'y a que les parents qui ne peuvent pas remplacer leur enfant. Il n'y a que les parents qui penseront toujours, qui aimeront à jamais. 

Le temps passe, oui. La douleur est moins aigue, moins acérée. Elle n'est pas moins facile, détrompe toi. On te ment quand on te dit que le temps guérit tout. Il y a des peines qui sont comme des coquillages, leur bord s'émousse avec les vagues, mais il reste toujours des coins un peu tranchants. Ils te blesseront quand tu ne t'y attendras pas. Ce sera un petit garçon qui court vers sa maman, un ballon, un petit train. Un sac à dos. Un gouter recouvert d'aluminium. Une date. Le temps n'aide pas, il passera, c'est tout. La vie semble moins importante en un sens, car ce n'est qu'un passage jusqu'à te retrouver. La vie semble plus importante, en un autre côté, parce qu'il faut l'aimer pour toi. Parce qu'on a choisi de rester, parce qu'Elle va naître, peut-être. Parce qu'on a fait le choix d'espérer. 

Je vais te dire comment ça va se passer. Au bout de quelques mois, les jours passeront vite, tu ne comprendra pas toujours comment s'est possible. Comment la Terre ne s'est pas arrêtée. Comment tu as pu ne pas te foutre en l'air. Ils te diront que c'est une cicatrice à jamais, et je ne suis pas d'accord : ça ne cicatrisera jamais. Ils te diront que la vie reprend, ce sera peut-être vrai, mais elle ne sera plus jamais la même. Ils te diront que maintenant d'autres enfants sont là, et tu pourras leur répondre que le premier né, le premier chéri, il n'est pas là, lui. C'est eux qui te diront qu'il ne faut pas remplacer les morts, et c'est les mêmes qui le feront. On te dira n'importe quoi. Personne n'aura confiance en ton jugement, en tes choix, personne ne sera dans tes chaussures, et Dieu qu'elles seront lourdes à porter. Dieu qu'elles seront inconfortables. Mais il faudra apprendre à courrir avec, à les rattraper tous, à revenir sur scène. Ils penseront que tu étais à la retraite. Mais toi tu sauras que tu as couru le marathon de toute ton existence, l'épreuve de toute ta vie. 

Je ne vaincrai jamais la mort. Elle t'a pris et j'ai tout perdu. La revanche que je veux, elle ne sera jamais complète. Je ne te tiendrai jamais dans mes bras de nouveau. Je ne serrerai plus jamais ton petit corps si beau. Ton départ a coupé tous les fils qui me retenaient aux faux-semblants. Ils pensent que je suis au crepuscule des choses. Moi je crois que je suis à l'aube de ma renaissance. Je pense qu'elle m'attends. Je ne vaincrai jamais la mort, mais si Elle, elle vit. Si Elle, elle respire de tous ses poumons. Si Elle, elle est rose et potelée. Si Elle, elle est déposée au creux de mes bras. Si Elle, elle est enlevée à temps. Si Elle, elle est sauvée. Se pourrait-il que son premier souffle soit aussi le mien? Se pourrait-il que son premier regard, soit aussi le mien? Ce premier regard, sera t-il aussi le tien. 

Ils te diront que tu as l'air resplandissante, en nouvelle maman. Mais ce ne sera pas vrai. Tu seras épuisée avant même d'avoir débuté. La course aura été si longue, tes forces seront épuisées. Mais tes ressources seront décuplées par ce cri que tu n'avais pas entendu la première fois. Ce cri de la Vie. Tu ne vaincras jamais la mort. Mais quand Elle criera, si Dieu le veut, quand Elle criera, tu sauras le prix de sa voix. Le privilège, immense, qui t'es fait.

Tu sauras toi, combien tu as retenu ton souffle si longtemps. Si longtemps en apnée pour te serrer contre moi. Ils penseront savoir, mais ils ne sauront pas. Ce sera peut-être ça, cette joie intense. Ce sera peut-être la mort de nouveau, personne ne sait. Ils te diront que la foudre ne tombe pas deux fois au même endroit, mais toi tu sauras que le pire est possible. Ils oublieront que tu n'as pour l'instant connu que ça. 

Les jours se raccourcissent avec l'hiver. Quelle tristesse de quitter l'automne, la période où Théophile allait bien. Je ne veux pas de l'hiver, je ne veux pas de cette dernière saison avant le dénouement. Je ne veux pas de ces fêtes qui ne peuvent pas en être, puisque tu n'es pas là. J'ai peur du futur comme jamais. Je ne vis qu'en apnée sans savoir si je vais continuer à vivre une fois le printemps retourné.


8 novembre 2017

جنّة

Il y a six ans j'arrivais avec ma valise sur le quai de la gare du midi.
Tu sais, j'ai plus vécu en six ans qu'en toute une vie. 
Je suis fatiguée de vivre, et en même temps je mesure la valeur de l'existence, bien plus qu'autrefois. 
Quand je pense à la personne que j'étais auparavant, je ne me reconnais pas.
Cette fille sur le bord des quais du Rhône, ce n'est plus moi depuis si longtemps. Elle ne m'intéresse même pas. Ce qu'elle se disait, les rêves qu'elle avait. Ils sont dérisoires par rapport au mystère de la vie et à la douleur de l'apprentissage. Je croyais connaître la souffrance. Pourtant je n'avais jamais souffert. Ces reliques du passé, je ne les souhaite plus dans ma vie. Ces questionnements inutiles, ces pseudo douleurs. Plus on parle de la souffrance et finalement moins on souffre en réalité. La vraie douleur elle n'admet plus l'écriture ni la parole. Elle clos les lèvres comme une mort.

Prendre ce train le 8 novembre 2011 et quitter Lyon, c'est la meilleure décision de ma vie tu vois. 
C'est quand il a fallu décider où mettre tes cendres que j'ai compris que mon pays, ce n'était plus là bas. C'est en haut, avec toi. C'est le Jannah. Je n'ai jamais eu vraiment de pays de toute façon, peut être parce que ma destiné c'est de vivre dans l'espoir de ce jardin où la douleur de ne pas pouvoir te toucher n'existera plus. 

Quand on me dit que la vie reprend parce que j'en porte une nouvelle au creux de moi, ils te font mourir une seconde fois. J'ai passé vingt-neuf ans de ma vie à en chercher un sens, et c'est toi qui me la donné. Toi dans ta petite boite humidifiée, toi et ta petite peau rouge, si fragile, si douce. Tu es la peau la plus douce que j'ai pu touchée Théophile. Tu avais encore le lanugo du nouveau-né, tu étais plus que neuf, tu étais prématuré. Et pourtant tellement terminé. Ta petite main, elle n'a pas vraiment eu le temps de serrer la mienne. Moi j'étais sure que tu allais survivre, moi j'étais là dans mon lit, je ne suis pas souvent venue te voir, j'étais sure que tu allais survivre, je pensais que nous étions au début du combat. En vérité c'était le clap final de ta toute petite vie. Tu l'as vécu avec ton papa qui est resté longtemps à côté de ta couveuse, les mains sur ton corps, à communiquer par la peau avec toi. Peut-être que c'était vôtre moment, le mien je l'avais eu sans le savoir pendant des mois. Des mois à vomir et soupirer que la grossesse est difficile. Des mois sans savoir. En fait on ne sait jamais rien. 

Ca fait six ans que je suis ici, et c'est l'anniversaire de toute ma vie. 
J'étais destinée à le prendre ce train, à descendre à Bruxelles-midi avec mon manteau gris. Tu es l'aboutissement de toutes ces années où j'ai rencontré, aimé, construit, espéré. Tu es notre enfant, ce timide "nous" qu'on chérit et pour lequel on se bat. Personne ne le fêtera cet anniversaire, pourtant c'est peut être aujourd'hui que je suis née. Avec toi dans mon coeur, et cette minuscule petite fille dans mon corps. Unis tous ensemble dans la même chair, partageant le même sang. Je vous aime mes enfants. Je vous aime comme je n'ai jamais aimé. 

C'est l'aube de toute une vie. Tu es peut être parti mais tu es là en moi. Je te respire encore, ton odeur de menthe fraîche, je te câline dans ma tête, je caresse ta tête et tes petits cheveux mouillés. J'embrasse ta bouche aux lèvres de ton papa. Je prends tes petites jambes en grenouille dans le creux de ma main, je passe mon doigts sur les lignes de tes petits pieds, je lèche la paume de tes mains comme un animal. Tu es mien, je te reconnais. 

Pourquoi t'ont-ils arraché de mon ventre. Pourquoi ce qu'il m'est resté de toi c'est cette cicatrice de quinze centimètres et douze points. Les autres grimacent, mais moi je n'ai pas mal. Ce n'est pas ici que j'ai mal. C'est dans mon ventre, le vide intersidéral. C'est dans mon coeur de maman qui cherche son petit partout. Ce coeur ne comprend pas la mort de l'enfant. Même quand tout le reste le sait, lui il ne comprends pas. Il cherche le jour, il cherche la nuit. La mère endeuillée a des bras invisibles qui cherchent son petit à chaque heure. A chaque seconde elle cherche. Mais où est-il? Il devrait être ici, ou là, dans mes bras. Il devrait être encore au creux de moi. Quels sont ses spasmes qui m'agitent ?   Pourquoi mon fils est-il devenu un membre fantôme qui me donne des coups de pied ? 

Après toi, mon utérus était une maison dévastée par un ouragan.
Je suis sure que Théophile a dû tout laisser sur son passage, ils l'ont délogé sans ménagement, le placenta s'est barré comme un voleur. Erreur de fabrication. Qu'as-tu laissé derrière toi Théophile? Est-ce qu'Elle sait, elle, nouveau locataire? Est-ce qu'elle sent ? J'aime à penser que tu reviens visiter cette douce cavité que tu as toujours connu. J'aime à penser que tu l'enlaces, la rassures et la berces, quand moi je ne peux pas le faire. J'espère que lorsque je pleure, tu es là pour lui dire que je ne pleure que d'amour. 

J'aime me dire quand je dors, nous sommes réunis. Nous dans le lit, Elle gigotant au fond de moi, toi dans le creux de tes cendres, et le chat dans sa boite. C'est peut-être pas l'idéal, mais c'est notre famille. C'est l'anniversaire de ta maman Théophile. C'est l'année zéro de sa vie. Le futur est une nuit sans fin. Apportera-t elle des joies, des peines ?  Il n'y a plus de certitude quand l'impensable a frappé une seule fois. Mais tu es mon étoile, peu importe la mer, le navire de mon amour est insubmersible. L'amour ne passera jamais.


6 novembre 2017

Le noir sans étincelle

Combien de fois n'ais-je souhaité te rejoindre, Théophile. La place d'une mère n'est-elle pas auprès de son enfant bien aimé? Je serais dans le ciel à te bercer de tous mes bras de pieuvre maternelle, à me nourrir de ton odeur, à t'embrasser. Tu étais si doux Théophile, ta peau était tellement satinée, j'en étais émerveillée. Tu étais le plus doux que je n'ai jamais étreins, le plus doux que je n'ai jamais touché. Tu étais merveilleux.

Comment avancer sans toi à mes côtés. Il n'y a pas de guide pour celui qui a perdu un enfant. Les gens n'ont pas de mots, les gens n'ont pas de ressources. J'ai compris maintenant ce que ça signifie quand on dit que parfois, personne ne peut nous aider. Je suis seule avec toi, mon petit garçon bien aimé. Moi seule t'ai porté, moi seule connais tes gestes doux, tes petits coups, moi seule t'es crée de tout mon être en te donnant le pain et l'eau de chaque jour, en te façonnant aux battements de mon coeur. Je suis morte avec toi. Ce coeur qui battait à l'unisson du tien, il est mort avec toi. Il y a un infarctus à l'intérieur, quelque chose s'est éteint, les cellules se sont grisées. Une mère meurt quand son enfant s'en va. C'est l'ombre d'elle même qui reste. Et ensuite il faut un temps inimaginable pour reconstruire quelque chose qui ressemble à ce nouveau nous-même. Mais ce nous sans toi, ce n'est pas nous. Aucune mère n'est complète quand manque son enfant.

Huit mois après ton départ, il y a encore des douleurs qui ne peuvent pas s'écrire. Des images qui arrivent dans ma tête comme un film horrible. Des images, qui ne peuvent pas se dire.

Dieu que la route est longue pour rassembler tous ces morceaux de moi-même.
Tu me manques d'un manque juste inimaginable, inexprimable. Un manque animal, visceral.
Un manque à la hauteur de mon amour.

15 octobre 2017

Une journée pour te rendre hommage

Vous avez été des dizaines et des dizaines à nous faire parvenir des bougies et des messages à l'occasion de la Journée mondiale du deuil périnatal.
Merci de nous permettre de faire vivre le souvenir de notre petit garçon et de libérer cette parole. Car oui, nous parlerons pour lui, nous vivrons pour lui, nous chanterons pour lui.
Toutes ces lumières sont autant d'étincelles de vie, car oui la vie peut triompher de cette terrible maladie qui l'a emporté, la pré éclampsie. Oui, la vie peut triompher, et c'est par votre présence et votre soutien. Car si le deuil d'un enfant est une épreuve à laquelle il semble impossible de survivre, c'est l'indifférence qui peut finir par tuer les parents.
Alors, je vais vous dire :
Théophile nous a apporté tellement de bonheur :
Le bonheur de voir ce bout d'amour qu'on a crée tous les deux.
Le bonheur de se rendre compte que oui,
Oui, on peut vraiment aimer quelqu'un à l'infini.
La nature se réinvente sans cesse pour nous envoyer des signes de lui : un rouge-gorge au plumage tout doux, une coccinelle qui s'invite sur la main, la caresse du vent.
Nous ne sommes plus les mêmes.
Pas seulement parce que cette année nous a beaucoup éprouvé. Nous ne sommes plus les mêmes car nous voyons notre monde différemment, et il est sous certains angles beaucoup plus beau qu'avant.

14 juillet 2017

The face of pregnancy loss

This is us. We fight. We try to hold on. And sometimes we fail. We hope and sometimes we fall. This is us. This is pregnancy loss. You come home with empty arms, scars and tears. Blood, needles, hospital bed, empty crib. You do not cry, you shout. You do not weep, you shout. You shout like an animal. You do not have pain, you're dying. There is a before loss and an after loss. You're dead since the minute they told you there is no heartbeat, or you have to say goodbye. 

We try to hold on. We hope, sometimes we still laugh, we still eat, we still talk. But we are not the same anymore. We carry them in our hearts. This is pregnancy loss. Your best day became your worst. Your worst fears became your reality. And sometimes you still don't realize it happened. You shout in every room of your empty house, you shout in the streets, in the garden, at work, in your car. You're stronger than yesterday, but you're weaker than ever. This is pregnancy loss. 

We hold on, we still hope. We do not fear death anymore. But don't forget we still fear this incredible pain, we still learn how to deal with it. We still learn how to live without him. This is pregnancy loss. We decide to hold on, because we believe that life will triumph. We still believe our love is stronger than disease and death. 

This is life after loss.
It's not our life anymore, it's how to be here without you. How to still smile and see all the marvelous beauties of the world, without you. How to be a family without you. How to carry a new life, but not you. This is life after loss. We try and we fail, we hope and we fall, but we hold on. We hold on.

5 juillet 2017

Nous continuerons

Tout le monde était pressé de connaître ton prénom. Maintenant personne ne le prononce. Comme si tu n'avais jamais existé.
Comme si nous n'étions pas devenus parents.
Nous honorerons ta mémoire Théophile. Nous briserons ce silence qui nous blesse bien plus qu'il nous aide. Nous t'aimons et t'avons entouré durant ta trop courte vie. Nous parlerons de toi. Nous écrirons pour toi. Nous continuerons de prononcer ton nom.
Brisez le silence du deuil de notre enfant. Cette douleur qui vous fait si peur et que nous ne souhaitons à personne, nous la vivons chaque seconde.
N'oubliez pas qu'avant tout, malgré tout, notre enfant a vécu, que nous avons eu avant tout la joie de le rencontrer, de nous en occuper, de découvrir qu'il avait le nez et les pieds de son papa, les mains et les cheveux de sa maman.
Brisez le silence du deuil de notre enfant.

6 mai 2017

Aucun

Que faire après toi ? Que devenir après toi ? Comment vivre après toi. Avant toi je n'étais rien. Après toi je suis morte une première fois. Il n'y aura aucun noël, aucune pâques. Aucun sourire, aucun anniversaire. Aucune musique, aucun mot. Aucun papa, aucune fête, aucune vacances, aucune plage, aucun vélo. Aucun gâteau. Aucune coquillette, aucun coquillage. Aucun câlin, aucun rêve, aucune peluche, aucune petite cuillère. Aucun soleil. Aucune petite chaussette. Nous n'aurons plus rien de toi d'autre que le souvenir de ta peau. Le souvenir de ton odeur. Nous n'avons que cette amour immense et sans mesure. Personne ne viendra te voir. Personne ne prendra de tes nouvelles. Personne ne sera honoré de te rencontrer. Il n'y aura pas de fleurs sinon ces roses blanches déposées à notre porte. Il n'y aura rien d'autre que ce silence parce qu'on croit que ne plus rien dire nous fera moins souffrir. Nous nous parlons de toi tous les jours, mon petit garçon. Nous parlons de toi tous les jours car tu mérites chaque mot de ton maman. Chaque larme de ta maman. Chaque pas si petite est ton empreinte nous a marqué à jamais. Je t'aime comme je n'ai jamais aimé.

22 mars 2017

Ta mère à jamais

Mon Théophile,
Il y a un an, nous étions entourés par la mort et la seule réponse que j'ai trouvé, c'était de te créer. Ce 26 février, tu as fait de nous des parents, tu as fait de moi une maman de la façon la plus douloureuse qu'il soit. Je n'aurais jamais cru que ta présence si fugace puisse transcender la mort, mais sache que ce fut le cas. Ton petit corps si parfait nous a donné le bonheur de découvrir la magie de donner la vie.
Tu t'es envolé mon petit moineau, tu t'es endormi contre ta maman et sous le regard bienveillant de ton merveilleux papa. Pourtant la mort n'a pas triomphé. Non, la mort ne triomphera pas. J'ai lavé ton petit être si doux, j'ai compté tes petits doigts, je t'ai donné mon lait
Je suis une mère à jamais.
Je n'ai jamais autant aimé alors non,
La mort n'a pas gagné.
Nous avançons dans la nuit, il fait si noir ici tu sais. Mais nous sommes tous les deux encore en vie sous ton regard, encore plus forts que cette douleur.
Nous avançons dans la nuit, mais nous sommes main dans la main, nous t'aimons à jamais, nous nous aimons plus qu'hier, et encore moins que demain.