28 novembre 2017

Et le manque

J'ai été au grenier chercher les affaires, une envie de faire le tri, de faire notre nid, de nous organiser, de trier ma vie. C'est là que je suis tombée sur tes échographies, mon petit chat, mon petit Théophile. Que de larmes je verse, et je ne pense pas que ça s'arrêtera un jour. Mon beau petit garçon. Quel beau petit nez, quelles belles petites mains, quelles belles petites jambes. Quelle terrible injustice. Quel manque. Je ne sais pas si je vais m'en sortir, je ne crois pas qu'on peut se sortir de cette peine là. 

Tu me manques tellement, tellement. Tellement. Aujourd'hui, neuf mois après ta mort, la douleur est presque la même que le jour où j'ai du laisser ton petit landau de verre dans le couloir pour que l'infirmière te conduise à la morgue. Presque la même tu vois. Elle n'a pas beaucoup changé. La douleur a creusé mon visage au fil des semaines, cette nouvelle grossesse a rendu mes joues roses, mais mon coeur est tellement éprouvé. 

Chaque nuit je fais le même rêve d'abandon. Je suis seule, tu n'es plus là, ton papa n'est plus là, ta soeur n'a jamais été là. Chaque nuit je me cogne et me soulève, je crie dans mon sommeil. Certains soirs je ne crie pas, je me réveille juste saisie d'effroi et je serre dans mes bras ce bout de famille qui reste. Elle bouge, mais parfois ça n'apaise pas ma peine. Elle bouge, alors je sais qu'elle est toujours vivante, c'est ça de pris, c'est déjà ça au moins. Je n'aurais pas à accoucher d'urgence cette nuit, je n'aurais pas à pousser un petit corps mort. Elle est vivante. Je peux dormir et retrouver les mauvaises ombres que mon inconscient anime. 

C'est aussi la réalité du deuil périnatal: être hanté par la mort, celle qui vient sans prévenir, celle qui ne soulage pas, celle qui emporte c'est tout. Mon beau petit garçon. Je voudrais te serrer dans mes bras, te murmurer les mêmes mots secrets que je t'ai dit pour la dernière fois. Dieu que la plaie est vive. Tout est si acéré, prêt à saigner à chaque mot. Je voudrais trouver la paix d'autrefois, m'endormir avec ton odeur de menthe douce. Je voudrais retrouver la sérenité d'autrefois. Je ne sais pas si elle reviendra.