21 novembre 2017

Quelle lumière



Je marche vers je ne sais quelle lumière. 

J'ai vu ta soeur sur cet écran, les examens sont bons, alors j'ai fermé les yeux pour ne plus voir. Ne plus souffrir à chaque image de son petit corps en 2D, ne plus craindre à chaque seconde une terrible nouvelle. Ne plus souffrir. Le temps où nous nous émerveillions devant l'échographie est révolu depuis si longtemps. Le temps de l'allégresse, tant de légèreté. Quand nous sommes rentrés ce soir après l'analyse, nous étions simplement là, hébétés, fatigués. Jusqu'ici tout va bien. C'est une phrase qu'on avait plus vraiment entendu. Jusqu'ici, tout va bien. Ta soeur se développe, et chaque jour je mesure la fragilité de son existence, de la tienne, de la notre à tous. Je m'imagine chaque petit tendon, petit os, chaque petit tissus, chaque petit amas de cellules organisées selon une logique maîtresse qui nous dépasse encore complètement. Ils appellent ça le mystère de la vie. 

Je marche vers je ne sais quelle lumière. Souvent je me demande si le soleil brillera autant qu'auparavant, sans toi. Pour l'instant il s'agit de faire comprendre aux autres que ce n'est pas le cas pour l'instant. Non rien ne brille. Ni le ciel pâle des jours qui passent, ni les villes que nous visitons, ni les fêtes qui approchent. Rien ne brille. Tout est recouvert d'une amertume qui voile n'importe quel rayon. Alors je marche mais je ne sais pas vraiment vers quelle lumière. Est-ce que ce petit être à l'intérieur de moi va me rendre le soleil. Va-t-elle me rendre la vie. Seras-tu une victoire, toi, dont j'ai choisi le prénom. Toi que j'espère, je ne t'attends pas car je ne sais finalement pas si tu seras là. Mais je t'espère. Je n'ai jamais autant voulu vivre et mourir en même temps. Je suis suspendue à chacun de tes battements. S'ils cessent, qu'on ne s'acharne pas. S'ils cessent, qu'on nous laisse ensemble cette fois.